C'est un gamelan du type standard associé (depuis au moins un siècle) à la région centrale de Java, surtout autour des villes de Yogyakarta et Surakarta, bien connues pour leurs palais et keratons. Il est dans le système de gamme pélog.
Le gamelan appartient à la Mission Permanente Indonésienne auprès des N. U. à Genève. Ses éléments sonores en métal ont été forgés en 1955 par Ki Rama Jayéng Kedung, un artisan du palais de Yogyakarta Hadiningrat. Ils ont été montés par le défunt Ki Suprapto dans l'atelier Swastigita, situé à Ngadinegaran, Yogyakarta. Le gong ageng pourrait être plus ancien que les autres éléments en métal: a-t-il été forgé dès le milieu du dix-neuvième siècle ?
Au début des années quatre-vingts, le gamelan arrive à Genève grâce à l'ambassadeur indonésien à cette époque. Le 27 mai 1999 la mission, le Musée d'Ethnographie et les Ateliers d'Ethnomusicologie signent un accord ratifiant une structure de coopération entre les trois parties. Le gamelan est installé dans le musée. Le 4 février 2000 il est inauguré en presence de l'ambassadeur et d'hôtes avec une cérémonie javanaise traditionnelle effectuée par le musicien Suhardi Djojoprasetjo. À ce moment le gamelan reçoit le nom Kyai Gandrung. Le nom a été choisi par suite d'une consultation avec la famille de l'artisan qui a assemblé le gamelan. Kyai Gandrung reflète un bon état mental empli de bonheur, exactement comme un homme très gai parce-qu'il est si amoureux qu'il peut danser et chanter heureux. L'événement est aussi l'inauguration d'une nouvelle section de l'exposition du musée: l'espace MUSIQUES. Depuis ce moment, le gamelan est dans sa propre salle d'exposition, et les ateliers se déroulent également là.
Les 5 et 6 février, le premier stage est organisé, donné par le musicien qui a nommé le gamelan dans l'inauguration.
La partie en bois des instruments est du teck. La sculpture est bien exécutée mais le style sculptural est d'inspiration artistique basse. Cependant elle est recouverte d'une peinture dorée argentée sur un fond rouge-orange profond qui peut dégager une ambiance mystérieuse apaisante, comme le son d'un gong ageng. Au moins, il est sûr que la sculpture ne troublera pas cette ambiance. Les bambous sont faux et faits de tôle de zinc(?). Ils sont peints en beige comme pour imiter le jeune bambou. Les cordes du celempung sont en métal.
Le son de l'ensemble n'est pas extraordinaire. Mais nous apprécions vraiment le son du gong ageng, des deux gendér panarus et d'un des saron barung. Le slentem donne un son faible, faisant cet instrument plus pertinent dans la 'musique d'intérieur' (gending gadon) que dans la 'musique d'extérieur' (gending soran). Les touches du gambang ne donnent qu'un son modéré, bien qu'une paire différente de maillets pourrait peut-être l'améliorer. Comme le slentem, il est le mieux conçu pour le gending gadon. Les gongs horizontaux (bonang, kenong, kempyang) ne sont pas généreux en son. Avec leur timbre opaque et à peine sonore, ils semblent mal commodes à produire de la musique de gamelan. C'est le même problème avec les gongs verticaux de taille moyenne (kempul). Ils demandent un grand effort en essayant d'obtenir d'eux un bon son tout en arrêtant leur balancement. Le kempul de note lu est particulièrement non satisfaisant. Sa note, très basse comparée aux autres kempul, est presque la même que celle du gong siyem. Le gong siyem lui-même sert plus à ajouter de la confusion dans le tout qu'à donner un son bien délimité.
Les quatre gendér sont un bonheur. En jouer sans les autres instruments est déjà de la musique dans son entièreté. Ils suffisent par eux-mêmes.
Il faut souligner un fait inattendu: l'un des deux saron barung a un bon timbre. La différence est claire lorsqu'on compare les deux instruments. Chacune de ses touches donne un son brillant, avec la vibration habituelle de la note mais aussi avec une vibration supplémentaire délicieuse. Si tous les instruments devaient sonner avec cette vibration particulière, ce serait un gamelan haut de gamme. Mais l'ensemble en question est de gamme moyenne en qualité.
La sculpture banale, les faux bambous, la qualité inférieure de son, l'absence de cymbales, toutes ces caractéristiques reflètent une tendance décadente qui a terni la tradition moderne de gamelan de la région centrale de Java. Mais si on utilise le reste du gamelan comme complément à la section des gendér, l'ensemble produit une musique belle au plus haut point. Joué gadon, le son de ce gamelan en vaut la peine.
Le rebab, les trois suling et le celempung n'ont pas été essayés.
À part la qualité de son inhérente du gamelan, l'accordage de quelques touches et gongs serait utile.
Les quatre gendér commencent sur nem, le gambang commence sur må. Le ketuk est de note ro. (Voir les registres des instruments dans le schéma ci-dessous.)
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